Alors que les festivités de fin d’année approchent à grands pas, j’ai pensé vous soumettre une série de 5 propositions pour que 2023 soit l'année où la crise du logement au Québec sera abordée de front. Mon objectif cette semaine: susciter les réflexions et les discussions, sans prétention!
Deux barèmes que je me suis fixés:
Solutions strictement québécoises
Solutions pour le développement de logements privés
Panélistes, à vos claviers!
Résolution #1
Comme l'enjeu de la crise du logement est d'ordre national, il est légitime pour Québec de revoir la gouvernance du développement urbain, par exemple via une refonte de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme.
Les schémas d’aménagement des régions et les plans d’urbanisme des municipalités identifient généralement des aires prioritaires de développement urbain. Le hic est que dans plusieurs cas, la réglementation en urbanisme demeure figée vs. les plans et schémas qui, eux, évoluent périodiquement. Pourquoi est-ce ainsi? Je ne saurais dire, mais les notions de “contrôle” du développement et “d’impopularité” des changements de zonage me viennent à l’esprit.
Donc, sur le terrain, dans ces situations, les promoteurs qui souhaitent réaliser la vision de développement officielle des municipalités doivent obtenir un changement de zonage avec toute l’imprévisibilité que ceci implique (votes au conseil municipal, demande d'approbation référendaire, etc.)
Qu'est-ce qui empêche Québec d'exiger que
Les municipalités désignent de telles aires prioritaires dans leurs plans d’urbanisme;
La réglementation soit ajustée conformément aux plans d’urbanisme et à l’intérieur d’un délai prescrit pour les aires prioritaires.
Laval a donné l’exemple par ailleurs en adoptant son nouveau Code de l’urbanisme en novembre. Celui-ci accorde de nouveaux droits de zonage dans plusieurs secteurs prioritaires de développement urbain.
Par ailleurs, je soumets qu'une réglementation mieux réfléchie par les municipalités et plus exigeante auprès des promoteurs est bien plus avantageuse collectivement que l'adoption successive de projets particuliers.
Résolution # 2
Cette série n’allait pas se rendre très loin sans un appel à plus d’argent de Québec! Un frein au développement urbain dont j'entends relativement peu parler dans l'espace public est le manque de capacité résiduelle de traitement des eaux usées. Et pourtant, l'enjeu a des répercussions directes sur le développement urbain, particulièrement le développement de nouveaux logements, dont l'appétit pour l'eau potable et le traitement des eaux usées est bien supérieur aux usages commercial, industriel, etc.
Plusieurs municipalités, particulièrement celles ayant connu un développement accéléré dans les décennies 1960 et 1970, n'ont pas la capacité de supporter de nouveaux développements sur des parties importantes de leur territoire.
Pourquoi? Leurs réseaux d’égouts et leurs centres de traitement ont dans plusieurs cas été conçus sans anticipation de l'envergure du développement urbain (et la croissance de la demande) qui a eu cours jusqu'à aujourd'hui.
Qui plus est, plusieurs composants de plusieurs réseaux ont atteint la fin de leur vie utile.
C'est ici que Québec entre en scène. Il faut accélérer les investissements en infrastructures municipales à la fois pour résorber les déficits de maintien et pour accroître les capacités. On le sait, les finances municipales sont tendues. Les fonds devront venir en partie de Québec.
La question qu'il faut se poser: comment diriger ces fonds pour influencer le développement de nouveaux logements?
Ma proposition: Québec peut bonifier le Programme d’amélioration et de construction d’infrastructures municipales (PRACIM) avec un financement majoré pour les projets où
La municipalité bénéficiaire démontre l’effet direct sur le développement de nouveaux logements;
En associant la valeur de l’aide à la quantité de nouveaux logements ainsi rendus possibles et pour lesquels les droits de zonage sont accordés.
Résolution # 3
Photo: José Hevia
Il n'y a pas si longtemps, dans plusieurs villes au Québec et ailleurs, les promoteurs travaillaient leurs développements en coulisses, en liaison avec certains élus. L'encadrement par les services d'urbanisme et les règlements était, disons, variable. Le pouvoir discrétionnaire ainsi magnifié et les consultations publiques inexistantes ont engendré plusieurs incongruités urbaines toujours étonnantes quand on les aperçoit.
Comme les choses ont changé - et pour le mieux!
Les municipalités ont fait des pas importants pour assurer la qualité et l'acceptabilité sociale des projets immobiliers.
Ceci dit, l'ajustement est par endroits prononcé au point que les processus devenus lourds et onéreux ont l'aspect d'une barrière à l'entrée pour les promoteurs: obligations de démonstrations en quantité et en qualité.
Il ne faut pas sous-estimer l'impact de cette situation sur le volume des projets de développement.
Plusieurs jeunes promoteurs aspirent faire leur place dans le marché et limitent leurs interventions aux juridictions à plus faibles barrières à l'entrée.
Alors que faire? Les communautés métropolitaines et les MRC peuvent atteindre 2 objectifs avec une seule mesure. Quels objectifs?
Comment créer un marché secondaire de données?
De plus, les données comme la qualité des sols pourraient être colligées en une base de données afin d'alimenter la planification long terme en urbanisme.
L'accord préalable des propriétaires et des consultants est nécessaire. Les promoteurs intéressés sauront prévoir de telles clauses dans leurs contrats.
Résolution # 4
Et oui, encore de l’argent de Québec pour résoudre la crise du logement!
Québec a lancé le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) sous gestion par la Société d’habitation du Québec (SHQ) ce printemps avec un premier appel de projets. 41 projets ont été sélectionnés à travers 16 des 17 régions administratives du Québec, un volume de 1 723 unités d’habitation abordables privés. (Données ici)
Les données du recensement de 2016 par StatsCan indiquent que 305 000 ménages au Québec avaient des besoins impérieux (urgents) en raison de loyers trop chers ou de logements trop petits ou insalubres. (Données ici) Je ne peux m’empêcher de penser que ce nombre a depuis augmenté de façon significative.
Ceci signifie que le PHAQ de 2022 a le potentiel de répondre à 0,56% des besoins recensés en 2016.
À ce rythme, il faudra 1 800 ans de projets PHAQ pour répondre aux besoins!
Calcul rapide: pour répondre aux besoins de 2016 en 25 ans vs. 1 800 ans, l'enveloppe du PHAQ devrait être multipliée par un facteur de 70, donc passer de 200 M$ à 14 G$. Est-ce réaliste de faire passer le PHAQ à 10% du budget total de Québec? Poser la question...
Au-delà de la question de l’enveloppe, Québec peut contribuer à stimuler l’offre totale de logements neufs en arrimant le PHAQ avec les politiques municipales de logement abordable. Exemple: les niveaux de loyers PHAQ sont inférieurs aux niveaux de loyers abordables de Montréal.
Pourquoi arrimer Québec et Montréal? Pour stimuler la création de logements privés en permettant aux promoteurs de bénéficier du PHAQ pour respecter leurs obligations de logement abordable aux termes du Règlement pour une Métropole Mixte (RMM).
Autre problème: le RMM exige peu de logements abordables dans les projets résidentiels privés. Il y a très peu de “zones de logements abordables”. (Carte ici) Le RMM privilégie de fait les contributions monétaires.
Ma proposition:
Cette combinaison devrait faire bouger l'aiguille! Réunissons les conditions pour que les promoteurs construisent plus de logements abordables!
Résolution # 5
Aujourd’hui je conclus cette série avec le Saint Graal. On ne peut pas surestimer à quel point les environnements d’affaires imprévisibles découragent les investissements. C’est vrai en immobilier comme partout ailleurs.
Accroître la prévisibilité ne signifie pas diminuer la qualité des projets, diminuer la participation citoyenne dans la gouvernance du développement urbain ou augmenter les prix des habitations.
Accroître la prévisibilité signifie deux choses à mon sens:
Il est vrai que pour accroître la prévisibilité il faut accepter de découpler la démocratie municipale et le pouvoir discrétionnaire des élus d'avec chaque projet.
Mon opinion choc? Ce serait tant mieux!